CHICKEN RUN
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GB, 2000,
de Peter Lord et Nick Park, CL, 85'

Film d'animation

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RESUME

L'Angleterre des années 50… Au cœur de la (peu) riante campagne du Yorkshire, au delà des collines, se tient une ferme, celle des époux Tweed. Entourée de clôtures et de barbelés, elle enferme quelques centaines de poules. L'acariâtre Mrs Tweed veille de près à la production d'œufs. Toute poule passant sous la limite inférieure journalière autorisée est vouée à voir son cou se faire trancher d'un bon coup de hache par Mr Tweed (par ailleurs abruti complet…).
Dans ces conditions, les poules et à leur tête la déterminée Ginger, ne peuvent que songer à s'évader, s'enfuir loin, "au-delà de la colline"… Les tentatives se multiplient, les tunnels d'évasion se succèdent mais sans succès. Mr Tweed et ses deux redoutables molosses surviennent toujours à temps pour ruiner les projets des belles poules et, invariablement, Ginger se retrouve au mitard ce qui ne refroidit jamais sa combativité…
Certaines poules se satisfont de leurs conditions et négocie au marché noir avec deux rats, en échange de quelques œufs…
Tout se complique sérieusement lorsque Mrs Tweed décide de transformer toutes ses poules en "chicken pies" (tourtes au poulet)… Le salut semble alors littéralement tomber du ciel par l'arrivée aussi inopinée que désopilante d'un coq américain de Rhode Island, Rocky-le-coq-volant

MON AVIS

Quand les poules ont des dents

Un formidable émerveillement et un grand bonheur, voilà ce que ce film procure ! Une œuvre tout à la fois pour enfants et adultes, pleine de références, clins d'œil, pastiches et autres parodies d'un tas de film du genre (le film de prisonniers de guerre/camp de concentration). Certains très connus: "LA GRANDE EVASION"  (The Great Escape, John Sturges, 1962 avec Steve Mc Queen), "STALAG 17(Billy Wilder, 1953, avec William Holden) nommément cité dans le dialogue, voire Le Pont de la Rivière Kwaï (The Bridge on the River Kwaï, David Lean, 1957, avec Alec Guinness et William Holden), d'autres beaucoup moins connus, sauf des (télé)spectateurs anglais et américains gavés de films comparables depuis 1945… Même si l'on ne parvient pas à identifier toutes ces références, on appréciera de manière quasi instinctive les parodies, dont la plupart renvoient donc à "LA GRANDE EVASION", modèle avoué des réalisateurs. Le "vol " à moto de Steve Mc Queen en reste bien sûr l'image la plus célèbre et se retrouve telle quelle avec Rocky et son engin. Le creusement du tunnel, les inspections sur lesquelles planent les menaces de châtiment par l'autorité du camp, l'opposition entre le rigide officier anglais et le GI, etc,. sont autant de savoureuses parodies…

Notons aussi que le rêve de Ginger d'emmener les poules de l'autre côté de la montagne renvoie à celui de la petite Dorothy du Magicien d'Oz qui, elle, rêve à "Somewhere over the Rainbow". Mais, lorsque ce monde paradisiaque sera enfin atteint, c'est une utopie toute anglaise qui s'étale sur l'écran, digne du "Village Green" chanté par Ray Davies et les Kinks en 1967. La seule occupation un tant soit peu sérieuse étant bien sûr l'enseignement du cricket par Ginger à son yankee chéri…

Mais il faut aussi mettre l'accent (BBC accent, of course, my dear !) sur un autre aspect du film, apparemment  peu traité dans les critiques et que seuls des adultes peuvent "saisir". Quelques années vécues en Angleterre et un certain intérêt porté à son histoire contemporaine ne peuvent qu'aider !
Ce point, donc, est celui des relations (assez compliquées) qu'entretiennent Angleterre et USA
L'histoire, on le sait, se passe quelques années seulement après la guerre… L'arrivée de Rocky, "The Flying Rooster " américain, volant (enfin, façon de parler…) au secours des poules anglaises doit bien sûr être vu en parallèle des interventions US dans les deux conflits mondiaux précédents… Et la complexité des sentiments anglo-américains (amour/haine) est merveilleusement rendue dans le film…
Disons pour faire court que les Anglais n'aiment pas les Américains, les méprisent allègrement pour leur ploutocratie, leur inculture, leur non-histoire passée (et grandiose), leur façon de substituer l'Empire Américain à celui de la Reine Victoria sur lequel, on le sait, "le soleil ne se couchait jamais"… Ah ! et puis aussi, bien sûr, la vulgarité yankee ! Et ce culte de l'argent ! Goddam, sir ! Very shocking, isn't it ?… Sans parler de cette langue américaine qu'eux, les Anglais, ne peuvent pas comprendre…
Mais les Anglais n'en restent pas moins fascinés par les paillettes américaines, en tout premier lieu par Hollywood et la musique venant de ce pays (Jazz, Blues, Rock, etc…). Ceci dit, un Anglais reste un Anglais (et fier de l'être) et se reconnaît toujours, même caché parmi la foule US (voir Hitchcock, Chaplin, Cary Grant, Charles Laughton, Sean Connery, oops, pardon, il est Ecossais !)
Les Américains rendent bien la pareille à leurs cousins grands-bretons: ils les prennent pour des ringards, des coincés, des chieurs de première catégorie et des gens incapables de se tirer d'affaire tous seuls (j'ose pas vous dire ce qu'ils pensent des Français sur ce dernier point…). Pour eux, les Anglais ne savent pas manger (là, c'est évidemment l'hopital qui se fout de la charité !), ils leur ont pompé toutes leurs musiques, et parlent un Anglais qu'eux, les Américains, ne peuvent pas comprendre…
Alors c'est tout ça que l'on retrouve dans CHICKEN RUN : Rocky EST l'Amérique, les poules SONT l'Angleterre
Fowler, l'autre coq, ancienne mascotte de la R.A.F. symbolise la vieille Angleterre (son dessus de lit est taillé dans l'Union Jack (!)), ivre de discipline et de gloire passée (style Alec Guinness) et qui ne veut pas entendre parler de ce prétentieux coq yankee qui était où, au fait, quand on avait besoin de lui ?
Mac, le poulet écossais "ingénieur" (Rocky ne comprend pas un mot de ce qu'il raconte dans son accent à couper au couteau…) est cérébralement brillant mais ne peut rien faire aboutir sans l'aide pratique du coq américain (Mac, c'est Richard Attenborough dans le film de Sturges)…
Les poules, dans leur ensemble, bavent devant l'aura de Rocky, vedette de cirque (comme qui dirait star de cinéma) et rivalisent pour ses beaux yeux. On pense ici encore à beaucoup de films sur le stationnement des GIs en Angleterre, faisant tourner les têtes des jeunes filles british avant de partir se faire massacrer sur les plages normandes… 
Ginger, elle, représente toutes les vertus (authentiques) des habitants la grande île: courage, obstination, farouche esprit d'indépendance, sens de la solidarité, ingéniosité, mais aussi un sentimentalisme qui n'ose jamais s'avouer (vous avez le choix pour une vraie actrice: Claudette Colbert, Jean Arthur, Emma Thompson…)
Quand à Rocky, avec son bandana autour du cou, il est plus que parfait: hâbleur, charmeur, prétentieux, séduisant, ne doutant jamais de lui, se présentant sous une supercherie qu'il saura surmonter à l'occasion (le coq faussement volant représenterait-il l'Amérique faussement démocrate ?), à tendance isolationniste (il s'enfuit vivre sa vie avant de revenir), mais avec, au fond, un cœur d'or… Ah oui, bien sûr, il danse bien le Rock et le Boogie… (dans son rôle, j'imagine parfaitement Clark Gable, voire Tony Curtis)…

Le coup de génie de ce (faux) remake est bien sûr de ne pas avoir de vrais acteurs en chair et en os mais des personnages en pâte à modeler ! Un travail titanesque ! Quatre ans de travail, plus de 400 figurines (dont les tailles vont jusqu'à 30 cm), plus de 3 tonnes de matériau et une animation image par image… A l'arrivée, une inventivité incroyable, une mise en scène digne des meilleurs moments de The Wrong Trousers, le meilleur Wallace et Gromit.

La rencontre entre Nick Park et Peter Lord, les Anglais du célèbre studio Aardman, qui adorent (dans la meilleure tradition anglaise) se moquer des travers de leurs compatriotes (voir les précédents courts-métrages d'animation en pâte à modeler, l'hilarant "Creatures Comfort", où les animaux du zoo de Londres confient à une équipe télé les vicissitudes de leur vie, et les trois fabuleuses aventures de Wallace et Gromit) et un studio américain, Dreamworks, celui de Steven Spielberg, parfait représentant de la "bonne et gentille" culture US, ne pouvait que donner un résultat tout à fait intéressant. C'est le cas, non, mieux, c'est génial ! 

Un film à voir et à revoir, l'un des deux ou trois meilleurs de l'année 2000 !
Belle fin de millénaire !

Philippe Serve
Décembre 2000

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Lire la critique de VLADIMIR pour le récit détaillé du film.

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