Thema : La quête des Origines

 On retrouve ce thème sous une forme ou une autre dans toutes les histoires impliquant un parcours initiatique.

De quoi s'agit-il ?

Chercher à savoir d'où on vient, c'est aussi chercher à savoir qui on est. Ce genre de recherche motive les histoires de nombreux contes traditionnels, mais aussi de bien des oeuvres de différents genres. On le retrouve aussi dans des longs métrages d'animation et des séries animées.
Si ce type d'histoire intéresse autant le jeune public, c'est qu'il s'agit d'un problèmes-clés de l'adolescence : se définir en tant qu'individu par rapport à la société et par rapport aux autres.

Je vais tenter de l'illustrer avec trois exemples : le film 'Laputa, le Château dans le Ciel', de Hayao Miyazaki (Ghibli), la série 'Les Mystérieuses Cités d'Or' de Jean Chalopin et Bernard Déryiès (NHK, Antenne2), et Nadia et le secret de l'Eau Bleue de Hideaki Anno (Gainax)

Dans les trois cas, il s'agit à la fois de voyage initiatique et de recherche identitaire.

 

Recherche initiale : le départ pour l'inconnu

La quête des origines ramène finalement à la quête du soi. Le départ de la quête n'est donc qu'un prétexte, un but provisoire qui ne fait que cacher aux personnages le sens réel de ce qui leur arrive. Ainsi, dans les exemples que j'ai choisi, les jeunes héros sont à la recherche d'un trésor perdu, ou d'un secret ancien, mais qui est lié à leur passé voire à leur filiation.

Dans les Cités d'Or, Esteban cherche son vrai père, qui lui a laissé un curieux médaillon avant de disparaître au cours d'une tempête. Esteban n'était alors qu'un bébé... Mendoza, aventurier à la recherche de la fortune, joue sur l'attrait qu'exerce la légende des cités d'or sur Esteban pour le convaincre de partir, affirmant que le urieux médaillon provient d'une de ces cités. Zia détient un médaillon identique que lui a transmis son père. Elle a été enlevée par les conquistadors quand elle avait 5 ans et emmenée en Espagne. Elle aussi recherche son père, mais elle se souvient de son pays et aspire à le retrouver tel qu'en son souvenir.

Laputa est l'île volante dont les parents de Sheeta, décédés, étaient originaires, et que le père de Pazu a photographié plusieurs années auparavant. Pour Sheeta, il s'agit de comprendre pourquoi tant de gens s'intéressent à un médaillon (!) qui se transmet dans sa famille depuis plusieurs siècles. Pazu veut prouver que son père, mort dans la misère et dont tout le monde s'est moqué, n'était pas un menteur. Il est aussi passionné par les aéronefs et éprouve une fascination pour cette 'île dans le ciel' légendaire.

Nadia aussi est une orpheline portant un curieux médaillon (!!) que beaucoup de monde veut s'approprier. Jean, le jeune inventeur aventureux (et orphelin aussi !) que le charme de Nadia ne laisse pas insensible, va se laisser entraîner dans une fuite qui va progressivement devenir quête : Nadia ne sait pas où elle est née, ni ce qu'est ce pendentif (l'Eau Bleue), mais l'acharnement des factions qui veulent s'en emparer va la pousser inexorablement vers la vérité...

A travers ces quêtes, les héros vont affronter de multiples situations, à travers lesquelles ils vont petit à petit évoluer. C'est la route de l'aventure, l'exaltation et l'émerveillement des nouveaux horizons, mais aussi l'apprentissage du monde des adultes : ses travers, ses cruautés, ses horreurs, et parfois ses quelques côtés positifs.

Esteban, Tao et Zia vont successivement être confrontés aux Espagnols, aux Incas, à quelques tribus peu amicales, à des aventuriers sans scrupules et aux fameux Olmèques, descendants dégénérés du peuple de Mu.

Pazu et Sheeta fuient des pirates, sont capturés et séparés par une faction adverse menée par un autre descendant des maîtres de Laputa. Ils doivent accepter de s'associer aux pirates pour continuer leur quête, et même de travailler pour eux.

Nadia et Jean, dans leur fuite, sont sauvés par des militaires, rejetés à l'eau lors d'une bataille, récupérés par l'équipage du Nautilus (Nemo et consors soi-même !). Ils sont aussi confrontés à la mort et à la détresse causés par la barbarie des néo-atlantes.

Le jour ou tout commence

Partir à la recherche de ses origines ne se fait pas forcément sur un coup de tête.

Aussi, dès le début de l'histoire le scénario place le ou les personnages dans une situation de rupture avec le présent. Cette rupture correspond à une émancipation (par rapport aux adultes qui jusque là s'occupaient du jeune), à un décès, un départ ou une fuite.

Esteban quitte Barcelone le lendemain de la mort de son père adoptif.

Zia se fait enlever par Mendoza.

Sheeta est arrêtée par les services secrets qui cherchent Laputa, et tombe de l'aéronef qui la transporte lors de l'attaque des pirates.

Pazu, coincé dans sa triste vie d'aide mécanicien à la mine, voit son destin bouleversé par la jeune Sheeta qui lui tombe littéralement du ciel dans les bras.

Nadia est vendue par le directeur du cirque où elle a grandi, et préfère fuir plutôt que de l'accepter.

Jean, en proie à une forme d'émoi typique de l'adolescence, brûle du désir... de devenir l'ami de Nadia pour laquelle, disons-le, il a eu le coup de foudre. Encore doit-il faire ses preuves !

Du point de vue symbolique, cette rupture place le jeune héros dans une position intermédiaire : il quitte le monde douillet de l'enfance pour entrer dans l'incertitude de l'adolescence.

L'apprentissage de la responsabilité

Les personnages vont d'abord subir les événements sans les maîtriser. Ils sont obligés de faire des choix sans forcément en percevoir les conséquences. Puis, au fur et à mesure que l'histoire se déroule, ils vont comprendre de mieux en mieux les autres, et aussi mieux se connaître eux-mêmes.

L'évolution des personnages dépend alors de deux influences : les aventures vécues (surtout pour les relations autres autres qu'elles impliquent), et les informations sur l'objet de la quête elle-même, dont le sens va progressivement se transformer.

Ainsi, quand les héros arrivent au terme de leur recherche et se retrouvent en face de ce qu'ils cherchaient, il s'avère que l'objet de la quête ne correspond pas au rêve qu'ils en avaient. Pourtant, réaliser la quête leur a apporté quelque chose de bien plus important qu'un trésor : Eux-mêmes ont changé. Ils n'ont plus l'innocence et la naïveté qu'ils pouvaient avoir, et voient le monde avec plus de lucidité .

La face cachée du réel

Derrière chaque quête se trouve une vérité cachée qui va contraindre les héros à changer leur point de vue :

La cité d'Or recèle un secret capable de mettre en danger la planète même.

Laputa contient des armes d'une puissance phénoménale, qui permettraient à leur contrôleur de contrôler le monde entier.

L'Eau Bleue est elle-même l'instrument du pouvoir des anciens Atlantes, qui leur permettrait de retrouver leur gloire passée.

C'est le moment crucial de la confrontation du rêve et de la réalité, le moment du choix que chacun doit faire à un moment de sa vie : celui d'accepter de renoncer au rêve et d'assumer le réel, avec tout ce qu'il implique en terme de perte d'illusions.

Accepter le réel, c'est perdre une part de son rêve, de son enfance et faire un pas dans l'âge adulte.

C'est là que les auteurs divergent dans le sens donné à la quête.

L'heure du Choix

Dans les Cités d'Or, les enfants ne trouvent pas toutes les réponses, mais acquièrent leur indépendance et leur liberté de décision. La dernière action du Grand prêtre de la Cité a tout de même une valeur d'exemple qui fait réfléchir.

Dans Laputa, Pazu et Sheeta assument le risque de leur propre mort pour empêcher Muska d'imposer sa folie mégalomane au monde. Il scellent ainsi la perte définitive de Laputa pour eux, s'affranchissant du poids du passé pour vivre leur vie.

Pour Nadia, le choix est celui du coeur et des sentiments, au dépend des splendeurs de la science et du pouvoir : elle sacrifie l'Eau Bleue pour sauver Jean.

Des fins fort différentes, donc, et pourtant...

Pourtant, chacune de ces histoires nous parle, car elles résonnent d'une façon ou d'une autre dans nos vies.

Le(s) sens de la Vie

Chaque destin est unique, et tous nous vivons nos quêtes et nos prises de conscience.

'Pour être vraiment grand, vois-tu, un fils doit dépasser son père', dit le grand-prêtre à Esteban.

C'est ce que fait Pazu en décidant de détruire Laputa, que son père a cherché toute sa vie en vain...

Le parallèle est moins évident avec Nadia, qui n'a pas connu ses parents. Mais en choisissant de sauver Jean, elle tourne définitivement la page de son existence passée et de ses origines pour choisir une nouvelle vie, sa vie.

Toutes ces histoires ont encore un point commun, c'est de laisser dans le coeur du spectateur une énorme bouffée de nostalgie et de tristesse quand la fin arrive. On partage le bonheur des personnages, mais la quête étant réalisée, on se retrouve face à soi-même, et face à sa propre quête. N'oublions pas que ces oeuvres sont plutôt destinées à un public d'adolescent. Le nombre de personnes adultes qui continuent à les regarder laisse penser que le passage à l'âge adulte ne va pas de soi pour tout le monde...

Finalement, la fascination que ces oeuvres exercent sur leur public, et le plaisir qu'ont de nombreux adultes à les revoir, cela indique une carence de notre monde moderne. Les rites de passage et voyages initiatiques en ont totalement disparu. Je crois que nous ne trouvons pas assez dans nos vies d'occasion de nous trouver nous mêmes, c'est pourquoi nous nous cherchons dans ces oeuvres de fiction, à travers leurs personnages...

...et si vous m'avez lu jusqu'ici, réfléchissez à ce que vous ressentez aujourd'hui au fond de vous en lisant ces mots :

"Qui n'a jamais rêvé de voir
le soleil souverain guider ses pas,
au coeur du pays Inca,
vers la richesse et l'histoire
desMystérieuses Cités d'Or ?"

Gildas